ORS Italia Srl est le nouvel opérateur du CPR (CRA) de Turin

ORS Italia Srl est le nouvel opérateur du CPR (CRA) de Turin

23 février 2022 Non Par passamontagna

Publié le 2022/02/18 sur No  Cpr Torino

Après une prolongation technique de deux mois par rapport à la date d’échéance du contrat stipulé avec GEPSA, le contrat pour la gestion du Centre Permanent de Rapatriement de Corso Brunelleschi a été attribué, avec réserves, le 10 février 2022 à ORS ITALIA SRL.

Les deux critères d’évaluation de la commission préfectorale étaient l’offre technique et l’offre économique, qui valaient respectivement 70 et 30 points sur un total de 100. ORS a obtenu le meilleur score pour l’offre technique, ce qui a permis à la multinationale de viser une réduction de 11% de l’offre économique.

Le coût du service par habitant s’élève désormais à 37,97 euros et le coût du “kit d’entrée” à 133,5 euros.

QUI EST ORS

Acronyme de “Organisation for Refugee Services”, ORS est depuis plus de 30 ans l’une des principales entreprises privées dans le “domaine de l’assistance aux migrants”, principalement dans les pays germanophones. Elle exploite plus de 100 établissements en Suisse, en Autriche (où elle a été chargée de la gestion de tous les centres d’accueil jusqu’à fin 2020), en Allemagne et en Italie et emploie plus de 1400 personnes.

ORS Service AG est détenue à 100 % par Ors Holding, qui est à son tour détenue à 100 % par OXZ Holding (OX Group), également basée à Zurich. Fondé en 1992 par l’ancien dirigeant de l’agence d’intérim Adecco, le groupe OX a été racheté en 2013 par un fonds d’investissement privé contrôlé par la société Equistone Partners, basée à Londres, une spin-off de la banque Barclays, active depuis 2011. Selon le magazine financier en ligne Valori.it, le conseil d’administration d’OXZ est composé de trois dirigeants, dont deux sont des hommes d’Equistone. En substance, la société britannique a un contrôle total sur les choix de la société suisse. Pour le dire en termes plus compréhensibles, il s’agit d’une longue histoire caractérisée par une série d’opérations spéculatives typiques du jeu de la finance où l’on achète des entreprises précisément dans le but de les réévaluer puis de les liquider après quelques années. Fondé en 1992 par l’entrepreneur Willy Koch, ancien directeur général de la société de recrutement Adia (la future Adecco), OX Group a été racheté en 2005 par le fonds d’investissement Argos Soditic, une société française également présente en Italie. L’investissement a été clôturé le 26 juin 2009 lorsque ORS est passé à Invision AG  de Zurich, une autre société financière du secteur. L’opération concerne ORS Service, sa société mère actuelle OX Holding et une autre entreprise du secteur des réfugiés : Asyo AG, dont ORS était une filiale à l’époque. Ici aussi, les chiffres sont un mystère. Cependant, des sources proches de la transaction, comme le rapporte le Wall Street Journal, assurent qu’Argos aurait réalisé une plus-value trois fois supérieure à celle de son investissement. Après Invision, c’est au tour d’Equistone de bénéficier de l’expansion du marché du groupe. En 2017, le groupe ORS a toutefois réalisé un chiffre d’affaires de 99 millions de dollars, soit trois fois plus qu’en 2014.

Il est clair que la politique et la finance sont étroitement liées. Les décisions sont prises par la direction du groupe ORS, dont le conseil est composé du PDG du groupe, des directeurs généraux des sociétés nationales et des directeurs des sièges sociaux. Cependant, le conseil consultatif, qui “conseille l’ORS en tant que comité spécialisé sur les questions de migration actuelles et futures et recommande des solutions pour la mise en œuvre de la stratégie et le développement des divisions”, est composé de personnalités du monde politique telles que l’ancien ministre suisse de la justice, Police et migration (DFJP) Ruth MetzlerArnold (présidente), les anciens députés suisses Rita Fuhrer et Erwin Jutzet, l’ancien vice-chancelier autrichien, l’ancien ministre des finances et des affaires étrangères Michael Spindelegger ainsi que des personnalités du monde du travail temporaire comme Thomas Bäumer. Le CV de certains d’entre eux est enrichi par des postes dans divers conseils d’administration du secteur financier privé. En 2017, Ruth Metzler-Arnold a rejoint le conseil d’administration de la banque privée REYL & Cie après avoir été impliquée dans UBS, PricewaterhouseCoopers, AXA, Novartis et Swiss Medical Network SA, un géant des cliniques privées. De 2010 à 2018, Rita Fuhrer a été membre du conseil d’administration de la banque Raiffeisen. D’autres les reconstituent en assumant des rôles dans des organisations non gouvernementales : Spindelegger, par exemple, dirige depuis 2016 le Center for Migration Policy Development (ICMPD).

ORS Italia n’est que la dernière pièce de cette sombre mosaïque.

ORS Italia Srl

Mais passons maintenant à la société italienne. Comme mentionné ci-dessus, Ors Italia srl est une filiale à part entière de la société mère suisse qui a été fondée en 2018. Parmi les personnalités les plus importantes de l’entreprise, on trouve Jürg Rötheli, CEO de la société mère suisse, qui préside le conseil d’administration. Antonio Reppucci est le membre du conseil d’administration, un poste qu’il a précédemment occupé dans une clinique privée à Atripalda, près d’Avellino. L’administrateur délégué est Maurizio Reppucci, dont le parcours comprend un diplôme d’infirmier psychiatrique, la direction de deux centres de traitement de la toxicomanie et cinq ans comme administrateur délégué d’une filiale d’ORS où il s’occupait précisément des réfugiés.
2018 n’est pas une année aléatoire, de nombreux facteurs ont contribué à ce que ORS commence à considérer l’Italie comme une nouvelle frontière de profit au détriment des vies humaines.

La première concerne le fait que les affaires de l’entreprise sur le sol national ne sont pas si roses depuis les accords UE-Turquie de 2015. En effet, ces accords visaient à bloquer la “route des Balkans” en fermant les frontières de l’Autriche et de certains pays des Balkans. Malgré l’échec patent de cette politique, qui comprenait la construction de murs physiques aux frontières, la Suisse a néanmoins connu une forte baisse des demandes d’asile, au point que l’ORS a dû fermer 19 centres d’accueil. Toujours en 2019, la Suisse a mis en œuvre une série de règlements qui ont effectivement accéléré le processus bureaucratique d’évaluation des demandes en réduisant le nombre de migrants à redistribuer dans les différents centres.
ORS a également eu des problèmes en Autriche, où elle s’est retrouvée en 2015 au centre d’une controverse en raison de la gestion du centre de réfugiés de Traiskirchen, qui a également fait l’objet d’un Rapport de Amnesty International dénonçant ses conditions inhumaines. Ce lager, conçu pour 1800 personnes, en contient maintenant plus de 4600. Mais le coup de grâce a été donné lorsque le ministre de l’Intérieur de l’époque, Herbert Kickl, a décidé, à la suite du scandale, de confier la gestion jusqu’alors privée des centres d’accueil à une agence publique spécialement créée (BBU). La décision de l’actuel leader du parti souverainiste FPO, animée non pas par un esprit magnanime mais par la seule volonté de contrôler la détention des migrants, a entraîné à ORS la fermeture de 7 centres que l’entreprise gérée.
Mais, n’ayez crainte. Nous sommes en 2018, Salvini est au sommet de sa mégalomanie au Viminale et en octobre de la même année, il signe avec les Cinq Étoiles le premier décret sur la sécurité. La répression du gouvernement contre le système d’accueil italien se manifeste également par la réduction drastique des SPRAR au profit des CAS, gérés par le secteur privé. En bref, il s’agit d’une grande opportunité pour les entreprises telles que ORS, qui sont spécialisées dans ce domaine.

“L’attribution de marchés à des prestataires privés permet de décharger considérablement les structures étatiques. L’Italie est une première étape importante de notre expansion en Méditerranée.

C’est l’annonce officielle qui est arrivée le 22 août 2018, environ un mois après l’inscription de la srl au registre des sociétés de la Chambre de commerce. Inutile de dire qu’après seulement un an, le nouveau-né CRA de Macomer a été attribué, pour un peu plus d’un demi-million d’euros. En réalité, le premier gagnant de l’appel d’offres était une entreprise commune composée de “L’Angolo”, de la Società Coop di Modena et de la Coop Sociale Alea di Tortolì, mais elle a réussi à remporter le lager sarde suite à la demande d’annulation présentée par ORS elle-même et aussi grâce à l’offre avantageuse présentée à nouveau avec une réduction supplémentaire de 3%.
La course vers le bas pour la “nouvelle” entreprise n’est pas un problème, principalement parce qu’elle peut compter sur une grande quantité de capitaux derrière elle. En mars 2020, la préfecture de Cagliari lui a confié la gestion du CAS et du CPA de Monastir par procédure d’urgence, et en mai de la même année, elle a obtenu une augmentation de 67 000 euros pour des services accrus dans le CRA de Macomer. En septembre, l’ORS s’est également vu attribuer la gestion de Casa Malala à Trieste, à l’issue d’une vente aux enchères qui partait de 800 000 euros et que l’ORS a pu remporter grâce à une remise de 14%.

Le contrat entre la préfecture de Nuoro et ORS Italia s.r.l. expire le 19 janvier 2022, mais ne laisse pas la Sardaigne les mains vides. ORS, en effet, s’est vu attribuer le contrat pour la gestion du CPR de Ponte Galeria-Rome, le 21 décembre 2021, pour un montant total de 7 201 988,38 €, suite à l’exclusion de la première entreprise de la liste de classement, Officine Sociali, qui avait présenté une offre excessivement basse.

En bref, les intentions de l’entreprise sont claires dès le départ : entrer sur le marché à fond de train et mettre la concurrence en déroute. Et on ne peut pas dire qu’elle n’ait pas réussi : en un peu moins d’un an, les appels d’offres publics auxquels elle a participé ont rapporté 2,5 millions d’euros de bénéfices, pour un capital social initial libéré de seulement 10 000 euros.

Depuis leur création, les CRA (CPRs) ont connu de nombreux changements : ils ont changé de nom, de responsables, de mode de fonctionnement, surtout ces dernières années. La tentative consiste à huiler ce mécanisme, ce business extrêmement rentable. Ce qui est le plus remarquable, cependant, c’est la synchronisation et la collaboration entre l’État et les entreprises privées, ou les coopératives, qui sont de plus en plus spécialisées dans la gestion des centres. D’une part, un État qui a besoin de dépenser le moins possible sur la “question des migrants”, et d’autre part, la possibilité et le désir des entreprises privées de faire des profits.

Ce qui n’a certainement pas changé et ne changera pas sous une autre direction, c’est l’emprisonnement auquel sont contraints les sans-papiers, le racisme et la violence systémiques qu’ils subissent au quotidien, et les conditions de vie misérables auxquelles ils sont contraints. Heureusement, le désir de liberté et la volonté de se libérer de ces cages, de les détruire et de les réduire en poussière ne le feront pas non plus.

Tous ne souffrent pas passivement, et les protestations de ceux et celles qui sont emprisonnés sont continues et innombrables. Chaque jour, on assiste à des protestations individuelles et à des révoltes collectives, à la résistance aux expulsions, aux évasions, aux dégradations et aux incendies qui, au fil des ans, ont également entraîné la fermeture partielle, voire totale, de ces camps d’enternament.

C’est le chemin que les émeutiers et les émeutières nous ont montré au fil des ans, c’est le chemin qui mène à la liberté.

Toujours du côté de ceulleux qui se rebellent pour détruire leur cage !