Les poches sont pleines. En savoir plus sur les expulsions et les CRA
publié le 18/’4/2022 par No Cpr Turin
Mercredi dernier, 13 avril 2022, lors d’une question parlementaire de routine, la ministre de l’Intérieur Luciana Lamorgese a fait étalage des résultats de la coopération entre les gouvernements italien et tunisien en ce qui concerne le nombre de rapatriements effectués au cours des premiers mois de l’année : 850 Tunisiens ont été expulsés.
Depuis l’été 2020, de nombreuses réunions et échanges diplomatiques italo-tunisiens ont renforcé la coopération entre ces deux pays dans le but de prévenir les départs, en interceptant les bateaux dans les eaux territoriales tunisiennes et en les rejetant, et d’augmenter les rapatriements de citoyens tunisiens d’Italie vers la Tunisie. Le nombre de rapatriements a considérablement augmenté au cours des cinq dernières années.
La Tunisie est la principale destination des citoyens rapatriés d’Italie (plus de 1 922 ressortissants tunisiens en 2020 et 1 872 en 2021), et est également la principale nationalité des personnes détenues au CPR.
En 2020, sur un total de 4 387 détenus* dans les centres, 2 623 personnes, dont 13 femmes et 2 610 hommes, étaient d’origine tunisienne. Selon les données du ministère italien de l’Intérieur, au cours des six premiers mois de 2021, environ 1 270 ressortissants tunisiens ont été transférés vers les CPR. Du 1er janvier au 15 novembre 2021, 2 465 Tunisiens ont transité par les CPR, soit 54,9% du total (4 489).
Suite au renouvellement des accords entre la Tunisie et l’Italie en 2021, la procédure d’expulsion a été considérablement accélérée et le retour peut avoir lieu quelques jours après l’arrivée au centre. Le retour en Tunisie s’effectue généralement par des vols charters vers l’aéroport international d’Enfidha-Hammamet (données extrapolées à partir de l’étude sur les retours en Tunisie).
Comme indiqué dans l’article précédent, le Conseil européen de la justice et des affaires intérieures se réunira à Luxembourg les 9 et 10 juin. Le Conseil “Justice et affaires intérieures”, qui se réunit tous les trois mois, vise à élaborer des politiques communes sur diverses questions transfrontalières en matière de contrôle, de sécurité et de répression. Le Conseil “Justice et affaires intérieures” (JAI) est composé des ministres de la justice et des affaires intérieures de tous les États membres de l’UE. Les ministres de la justice sont responsables de la coopération judiciaire en matière civile et pénale, tandis que les ministres de l’intérieur sont responsables, entre autres, de la migration, de la gestion des frontières et de la coopération policière.
Ils y présentent des données sur les activités réalisées et négocient les termes, y compris et surtout économiques, des actions futures. Lorsque le soutien économique à l’Italie du nouveau pacte européen pour les migrations sera discuté, il sera certainement commode d’étaler, comme pour tout bon budget d’entreprise, des chiffres rassurants sur l’engagement et le rôle joué, afin de justifier de nouvelles demandes et pétitions.
Le Pacte européen sur les migrations et l’asile est un document politique publié le 23 septembre 2020 par lequel la Commission européenne a défini les orientations qui guideront les travaux sur les migrations au cours des cinq prochaines années et, en particulier, dans lequel elle cherche à promouvoir un système européen commun pour les retours.
Selon ses propres termes, la Commission fonde le pacte sur trois principes :
1. Nouvelles procédures intégrées pour établir rapidement le statut à l’arrivée. Il s’agit notamment de l’amélioration de la base de données Eurodac par la prise d’empreintes digitales et l’enregistrement, et du renforcement du rôle du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, FRONTEX, qui est mis en œuvre et actif à partir du 1er janvier 2021.
2. Un cadre interne commun “pour la solidarité et la responsabilité partagée”.
3. Un changement dans l’approche de la “coopération avec les pays tiers”.
Si l’on ne peut manquer de remarquer le renversement flagrant du sens de la “solidarité”, entendue ici comme un accessoire scintillant au bras du concept de “responsabilité”, on ne peut manquer de remarquer que ce deuxième point n’est rien d’autre qu’une tentative d’équilibrer l’implication pratique obligatoire et partagée des différents pays avec le saupoudrage de la reconnaissance politique et des récompenses économiques. L’approche de la “gestion des migrations” est désormais définie comme “unitaire”, qui est le nouveau nom donné aux politiques d’externalisation par la perspective eurocentrique. En fait, en ce qui concerne le troisième point, il est superflu de commenter comment les soi-disant partenariats avec les pays tiers servent à contrôler les départs par la surveillance, la répression, les rejets et les détentions, non sans une compensation appropriée.
Ce n’est pas pour rien que, sans mâcher ses mots, le vice-président de la Commission, Margaritis Schinas, a déclaré que l’objectif final était d’empêcher les étrangers d’entrer sur le territoire européen par le biais d’accords avec les pays d’origine et de transit non européens et en investissant dans l’agence de contrôle des frontières extérieures.
Au Luxembourg, tout le monde profitera donc de 850 objets dérisoires à mettre sur la balance : ils coûtent peu, mais ils seront transformés en un chiffre qui profitera aussi bien au gouvernement tunisien, interlocuteur privilégié et, sinon fiable, au moins concret pour la Farnesina, qu’à l’Italie, qui pourra exhiber un chiffre positif pour démontrer son engagement et son efficacité. Après tout, les 9,88 milliards d’euros du Fonds pour l’asile, la migration et l’intégration et les 6,24 milliards d’euros du Fonds pour la gestion intégrée des frontières ne sont pas exactement des miettes à partager.