Téimognage du CRA de Lion Saint-Exupéry

Téimognage du CRA de Lion Saint-Exupéry

7 novembre 2020 Non Par passamontagna

Pu lié sur crametoncralyon.noblogs le 3/11/2020

Salut, comment ça se passe à l’intérieur pour toi ?

Franchement, moi depuis que je suis là, comme je t’avais dit, j’ai fait le Centre de rétention quatre fois dans ma vie, bah celui de Lyon, c’est le pire, les policiers, je veux pas tout mélanger, pas tout le monde, mais les policiers qui ont frappé Mr. Bokoko la dernière fois, ils m’ont frappé avant-hier moi aussi, pour rien, ils m’ont mis en garde à vue 24h, attaché, scotché sur un lit où il y a même pas de matelas, il y a rien, je sais même pas pourquoi, parce que je suis rentré quand ils sont sortis, j’ai rien fait en fait. Il y’a rien, il y avait rien du tout, je suis resté 24 heures. Ils m’ont coupé le chauffage la nuit, ils ont ouvert la fenêtre, il y avait pas de matelas, pas de draps, pas de couverture, rien. Le policier là qui m’a frappé, il fait plus que 45 ans, il est métisse, peut-être Indien, je sais pas, il a une tâche noire sur son front. Lui il n’arrête pas de frapper les gens, surtout dans les chambres.

C’est pas la première fois qu’il frappe des gens, c’est ça ?

Nan, c’est pas la première fois. Hier, il est passé devant moi, il y avait presque 8 personnes à côté de moi. Heureusement, il y avait des civils. Il est passé, j’ai dit aux gens : « Regardez, c’est lui le policier qui frappe tout le monde, il m’a frappé sur la tête, c’est lui qui a frappé Mr. Bokoko la dernière-fois ». Il l’avait démonté. Après, le policier a marché un peu, il s’est retourné et il a dit « écoute, écoute, j’ai entendu que tu m’as dit sale fils de pute ». Alors que j’ai rien dit. J’ai même pas commencé à parler, les 8 personnes à côté de moi elles ont commencé à crier : « Arrête de mentir, on a jamais entendu ça ». Moi j’insulte personne ici, j’ai jamais insulté.

Et Forum Réfugié et le médecin, ils t’ont dit quelque chose ?

Le médecin, il est venu me voir après qu’ils m’ont détaché. Parce que je t’ai dit, ils m’avaient attaché en fait, je frappais derrière la porte, parce que je ne comprenais pas ce que je faisais là, ils m’ont menotté et ils m’ont scotché. Ils m’ont menotté derrière le dos et ils m’ont mis du scotch en haut de mes bras et ils m’ont scotché les pieds en bas, et les jambes. 3 heures après, ils sont revenus, ils m’ont détaché parce que j’avais trop mal aux épaules, elles étaient toutes gonflées, jusqu’à maintenant j’ai mal. Ça veut dire que si je vais voir un vrai médecin maintenant, il va me donner au moins une semaine d’arrêt maladie ou plus, parce que j’ai des cicatrices bleues tout ça, bref. Il y a une chose que je n’ai pas comprise, parce que Mme. Elodie, elle, c’est la cheffe de Forum, elle était là quand ils m’ont pris pour rien et j’ai rien fait. Mais attends, je finis d’abord au mitard. Dès qu’ils m’ont détaché, le médecin est venu me voir 10 minutes après. Pour moi, c’est pas un médecin. C’est pas un médecin. Il m’a dit « ouais, je vois, t’as une cicatrice sur ton front, t’as des bleus sur la tête », mais il y avait le policier à côté de lui, mais franchement, vous prenez les gens pour quoi ? Je lui ai dit, « toi t’es pas un médecin en fait, tu viens me voir au mitard, tu me dis montre tes bras, montre tes jambes, mais déjà, quand tu viens me voir, devrait pas y avoir la police à côté de toi là, et la vérité, je lui ai dit, t’es pas un médecin toi, t’es un policier, t’es plus qu’un policier ». C’est plus qu’un policier lui, je sais, je suis parti à l’infirmerie le lendemain, je suis allé voir l’infirmière pour porter plainte, tout ça, ils m’ont donné 0 jours d’ITT, j’ai montré à l’infirmière, regarde, hier j’étais pas bleu comme ça, j’étais pas gonflé comme ça ». Elle m’a dit, « ouais, c’est vrai, je vais parler avec le médecin ». Ils m’ont pas appelé. Et Mme Elodie, elle, la cheffe là, moi je voulais bien que ça soit elle qui prenne la plainte, je sais pas, elle a assisté, je voulais bien que ça soit elle qui prenne la plainte, elle était comme un témoin quand ils m’ont pris pour rien. J’ai rien fait, j’ai pas insulté, rien. Les gens qui les insultent, je vois, ils sont là, tous les jours : « nique ta mère », mais les policiers ils les amènent pas. Et moi, j’ai rien fait, ils m’ont amené 24h dans le froid.

Pourquoi tu penses qu’ils t’ont fait ça à toi ?

Bah parce que c’est lui le flic contre qui j’ai témoigné [en septembre]. C’est lui qui m’a frappé. Ça se voit comment il est, comment il parle, je suis désolé de dire ça, mais il m’a pris les couilles et il m’a pincé, j’ai jamais vu ça de ma vie, et quand j’ai bougé, il m’a pris ma tête contre le mur, je sais pas, contre un coin, il y a une cicatrice, et en fait, il a eu peur quand il a vu qu’il y avait un peu de sang et tout ça, et à partir de là, dès qu’il a vu que j’ai saigné un peu, je l’ai plus vu, il a disparu. Je l’ai juste vu hier soir, il est venu dans notre truc, j’ai dit « regardez, c’est lui qui frappe tout le monde, pourquoi tu frappes tout le monde ? ». Il a marché un peu […] avec son collègue, et puis il s’est retourné et il a dit « Ecoute, écoute, Mr. X, j’ai entendu que tu as dis sale fils de pute ». Moi, j’ai pas parlé, les gens ont dit « arrête, arrête, il a pas dit, on a jamais entendu qu’il a dit ça ». Après, je suis allé voir les civils, ils m’ont dit, « oui, on a entendu pas mal de choses à propos de lui [du flic] ». La vérité, lui, la dernière fois, il a failli tuer le mec, il l’a défoncé, il a mis son pied sur son cou, il arrivait plus à respirer, comme moi avant-hier, j’arrivais plus à respirer, parce qu’ils m’ont trop attaché, ils m’ont trop scotché, j’arrivais plus à respirer. Je bougeais trop, je me suis fait mal.

Tu veux parler un peu de la situation dans le CRA avec le nouveau confinement ?

Ça change rien. Il y a plus de visites, ça c’est normal. Je te dis, depuis qu’il m’a frappé, je vais plus à la cantine, je vais plus manger. Franchement, je vais pas à la cuisine. Sinon, dans le CRA, il y a 80 personnes. C’est tout dégueulasse. Ils ont libéré deux Algériens.

Mais vous avez pas d’informations précises ?

Nan. Il y a 80 personnes. Les 20 plus anciens, ceux qui ont passé le plus de temps, il y a moi et un autre gars qu’ils ont emmené en GAV, parce qu’il a refusé un test. Il y a deux mecs on sait pas où ils sont, leurs parents ils appellent, mais on sait pas où ils sont.

Tu veux rajouter quelque chose ?

Franchement, on comprend rien. L’équipe de nuit, il y en a deux ou trois c’est des racistes pire que lui je pense. Hier, il y en a un, il m’a poussé dans la chambre… Parce qu’avant-hier, en fait, quand j’étais en GAV, il y avait une caméra. Il m’a dit quoi ? « J’ai envie de te défoncer, vas-y j’ai envie de t’éclater la gueule, dommage je peux pas faire ça ». C’est un gros avec un crâne rasé. Hier, dans la chambre, il me dit « T’attends quoi pour faire une autre carte ». Je lui dis « Bah, demande à tes collègues ». Il me dit, « Toi, tu fermes ta gueule ». je lui ai dit « nan, moi je ferme pas ma gueule ». Il est venu, il m’a poussé, je suis tombé. C’était dans la chambre, hein. Il m’a dit : « Quand je parle, toi tu fermes ta gueule ». J’ai rigolé, ça m’a fait rire, j’ai dit, « j’ai peur, franchement vous me faîtes peur, je pense il suffit qu’on vous donne quelques droits là, et vous allez commencer à tuer des gens vous ». C’est un truc de fou. Il y a deux équipes, en fait. Dans celle de la nuit là, il y en a quelques uns, ils sont dégueulasses, c’est des dégueulasses, ils ouvrent la porte la nuit, ils prennent ta carte, ils ferment la porte sur la gueule. Quand t’essayes de l’ouvrir, ils poussent, ils disent « ferme ta gueule, sinon je t’éclate la gueule ». Hier, j’essaye d’ouvrir la porte, il a tiré la porte, il m’a poussé, il m’a dit : « Là je peux t’éclater la gueule, mais j’ai pas trop le temps ». Parce qu’il y a pas les caméras dans la chambre en fait. Il me dit : « toi, je vais pas t’oublier ». Mais je fais rien […]. Là, j’arrive pas vraiment à marcher, ni à lever les bras.