Grèce : un pêcheur égyptien condamné à 280 ans de prison pour avoir conduit un bateau de migrants

14 mars 2023 Non Par passamontagna

Article publié sur Infomigrants

Un pêcheur âgé de 45 ans a été reconnu coupable par un tribunal grec de trafic d’êtres humains. L’homme a été condamné en Crète à 280 années de prison. Il avait, en novembre 2022, conduit le bateau sur lequel se trouvait près de 500 migrants qui tentaient de rejoindre l’Europe. Cette condamnation a provoqué l’ire des groupes de défense des droits de l’Homme.

Un Égyptien de 45 ans a écopé, la semaine dernière, de 280 années de prison par un tribunal crétois, pour trafic d’êtres humains. H. Elfallah a été considéré par la justice comme un passeur. Retour sur les faits.

En novembre 2022, le pêcheur originaire d’Égypte prend place avec son fils de 15 ans à bord d’un bateau chargé de près de 500 migrants, avec l’espoir de rejoindre l’Europe. Le père souhaite atteindre la Grèce, puis le Royaume-Uni où un autre de ses fils a demandé l’asile.

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N’ayant pas les moyens de payer le voyage, H. Elfallah accepte l’offre des trafiquants qui consiste à conduire le bateau contre la gratuité de sa place. Depuis plusieurs années, les passeurs ne montent plus sur les navires pour éviter d’éventuelles poursuites en Europe. Ils demandent à des migrants de tenir la barre à leur place.

“Criminalisation scandaleuse”

Le jour de la traversée, alors que les conditions météorologiques se dégradent et que le bateau délabré dérive dans une mer agitée, les migrants sont secourus par un patrouilleur des garde-côtes grecs. Ils sont remorqués jusqu’au port de Paleochora, en Crète. Parmi eux sept passagers accusés d’avoir fait passer 476 migrants sont arrêtés, dont H. Elfallah.

Le pêcheur risquait 4 760 années de prison. En vertu d’une loi grecque de 2014, il encourait 10 années de prison pour chaque passager présent sur le navire. Mais le tribunal “a pris en compte [les] raisons” pour lesquelles il a accepté de conduire le bateau et lui a infligé une “moindre” peine : 280 ans.

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Cette condamnation a indigné plusieurs groupes de défense des droits de l’Homme actifs en Grèce. Les militants ont rappelé que le pêcheur égyptien avait été contraint d’utiliser ses compétences en navigation en raison des mauvaises conditions météorologiques.

“Nous condamnons fermement cette criminalisation scandaleuse des personnes en déplacement”, a déclaré au média britannique The Telegraph un porte-parole de Borderline Europe, une ONG qui soutient les migrants. “Comment diable les autorités européennes peuvent-elles croire que des gens peuvent venir dans un bateau sans que quelqu’un le pilote ?”, a-t-il ajouté.

Environ 2 000 migrants condamnés

Le cas de H. Elfallah n’est pas isolé. Environ 2 000 demandeurs d’asile croupissent dans les geôles grecques pour trafic illégal de migrants. Tous ont écopé de lourdes peines après avoir été reconnus coupables d’avoir conduit les canots dans lesquels ils se trouvaient. En plus d’être accusés d’avoir joué le rôle de passeurs, la justice fait peser sur certains d’entre eux la responsabilité des décès survenus au cours de la traversée.

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Les exilés condamnés pour un tel motif représentent la deuxième plus grande catégorie de détenus en Grèce.

“Le but de cette criminalisation des demandeurs d’asile est de créer la peur en imposant des sentences très lourdes, et d’en faire des exemples pour dissuader ceux qui seraient tentés de venir sur les îles grecques”, avait déclaré l’an dernier à InfoMigrants Lefteris Papagiannakis, directeur du Conseil grec pour les réfugiés.